for that time i wanted to save you

orage zèbre le ciel d’encre de couleurs qu’il ne voit plus. il conduit sans en distinguer la route du néant qu’il y a autour. le paysage défile à vitesse effrénée. l’étourdie après ce courage qu’il l’aura damné. fausse force qu’il a cru avoir. animée par le coeur qui hurle sa détresse depuis des mois. je serai là, rhea. comme une promesse, comme un pacte qu’il avait signé avec lui-même. du temps déjà trop longtemps perdu. l’agonie des sentiments qu’il veut enfin apaisé. mais pourquoi tu es là, theo? à quoi as-tu pensé? se retrouve devant sa porte, perles naturelles imprégnées au travers des vêtements. comme il y a des mois, lors de cette nuit qui aura marqué cette descente dans leur enfer. qui les conduit encore l’un à l’autre, ce soir. il cogne, il se meurtrit les jointures déjà abimées. il est maintenant inconnu à ce lieu. ne peut plus entrer, sans s'annoncer. s’y revoit, pourtant. de cet avant qui n’est maintenant que souvenirs en lame à sa peau. il frappe encore contre le bois, s’impatiente. comme un sentiment d’urgence qu’il ne contrôle plus. alors que les blessures esquissent son faciès, en enlaidissent ses traits. tu ne verras pas celui que tu as connu, rhea. de ce besoin de la voir, d’être dans son périmètre. qu’à eux deux, ils pansent leur misère.

les cicatrices parsèment la peau, parsèment l'âme. les blessures se sont rajoutées au fur et à mesure. le traumatisme ancré; fait pour y rester. résonne avec le manque de celui qui est parti. elle erre. déracinée. il y a plus personne à l'appartement. il y a plus personne à l'intérieur de ce corps béant. on l'a dépouillée. de son coeur, de son âme. on est venu défoncer la porte sans crier gare. tout prendre en un seul soir. et puis deux. et puis trois. c'est tout c'que tu mérites, rhea. fallait te défendre. fallait utiliser ta grande gueule. t'sais rien faire toute seule. la voix gronde de plus en plus fort. celle du démon qui dort. il est tu par les bruits incessants de la porte d'entrée. elle avance, paralysée. traumatisée. le souffle court. qui? elle ouvre. le découvre. le choc plaqué au visage. est-il bien réel ou est-ce un mirage? — b.. les larmes ont dérobé ses mots. rhea éclate en sanglots. qu'une coquille vide. elle s'accroche encore. elle s'accroche au dernier espoir qui la tient encore debout. — il s'est passé quoi? elle s'inquiètera toujours pour lui avant. avant elle, avant tout. ça a toujours été comme ça, ça le sera jusqu'au bout.

palpitant crie, hurle. qu’elle se dépêche, qu’elle apparaisse devant ses opales qui peinent à rester ouvertes. encerclées de noir, de violet. arc-en-ciel de blessures. constellations d’hématomes qui le fissurent. à son souffle qui siffle, bataille qui s’est faite sans arme égale. courage s’est retourné contre lui. il aurait dû fuir, disparaître comme il était apparu. a décidé de riposter. les coups acharnés, il s’est défoulé pour toutes ces fois où il en a rêvé. d’une vengeance qu’il espérait. qu’un instant de force et anéantir le mal qui est en elle. n’est plus aussi fier, n’est plus aussi confiant quand la porte s’ouvre. il tombe. s’écrase. il s’immisce dans ses bras. il la serre, lui broie sa cage. qu’elle ressente l’amplitude de ses sentiments. de ce qu’il a fait pour elle. tu vrilles, theo. mais il le devait. pour elle. pour eux. pour les aveux faits à demi-mots. qu’ils se retrouvent, qu’ils reprennent là où il avait arrêter d’exister. — je pouvais pas, rhea. je pouvais pas le laisser s’en tirer comme ça. en murmure à ses oreilles. il flanche, encore. son poids sur son corps frêle. celui qu’il n’a pas touché depuis des mois. l'éternité d’un manque de toi, rhea. — j’ai déconné, je sais. sans reculer, la voix se casse sous les aveux éhontés. pleure pas, stp.

le corps sans âme se laisse bercer. par ces bras qui l'ont aimée tant de fois. sans qu'elle le sache, sans qu'ils le sachent. elle laisse les souvenirs douloureux se déverser dans les sanglots. qu'ils partent pour de bon. avec toi. la carcasse tremble. les parois s'écroulent. les membres tentent de se rejoindre dans son dos. elle le serre, sent son souffle chaud. elle cherche l'accalmie dans son étreinte. mais tout va trop vite, l'esprit ne sait pas où aller. sur les blessures de sa peau. sur le poids de ses mots. sur la force de ses mouvements. sur la douceur de ses touchers. sur cette personne entière qui lui a tant manqué. — t'as fait quoi? la voix robotique. absente. rhea n'est plus là. ça fait longtemps qu'elle est partie. y'a que cette silhouette qui lui donne un semblant de vie. les voleurs ont tout pris et ont laissé la porte ouverte. elle a peur. — qu'est-ce qui se passe? les questions n'ont même plus de sens. pourquoi et comment tournent en boucle. et les larmes qui ne s'arrêtent pas. peux-tu encore y croire, rhea?

vitesse en furie. dans les gestes, dans les pensées. tout va trop rapidement, qu’il ne peut plus respirer. les jambes lâchent, il sent son poids le crever. le corps n’est plus machine, n’est qu’enveloppe qui s’effrite. redevient poussière. même son âme ne survit pas à cette misère. sans pourtant la lâcher, sans pourtant desserrer l’étreinte. elle est tout ce qu’il lui reste. elle est tout ce qu’il souhaite. il n’a plus conscience de ses mots, de ses paroles. il est déconnecté. t’as mis l’cerveau à off. rien ne lui ressemble, n’est plus que l’ombre de lui-même. — j’suis allé l’voir, je voulais qu’il te lâche, qu’il nous laisse tranquille. nous en appellation, comme s’ils existaient encore, qu’ils pouvaient y croire encore. — et le bâtard, quand je me suis retourné, il m’a pris par surprise. colère gronde, vrille dans les veines. le coup d’adrénaline pour que sa carcasse se relève. recule d’un pas. que son visage retrouve le sien. penché à sa hauteur, sans la surplomber. rhea, j’veux plus jamais que l’on soit séparés. caresses sur ses joues, sublime les larmes qui s’y reflètent. à n’en plus avoir les mots, les explications s’effritent. n’a plus envie de parler de lui. l’esprit crise, s’abime dans cette folie incandescente. à seulement vouloir la retrouver.

emportée par le poids de sa déchéance, elle chute à ses côtés. ils tombent d’un coup sans se lâcher. ensemble. malgré les erreurs qui l’ont enchaînée. ça relève du miracle. car l’enfer a beaucoup de portes d’entrée mais pas de sortie. rhea vouée à y rester à vie. trauma emprisonne le corps et l’esprit. les dissocie. ses mots ne font que percuter l’encéphale. la peur les paralysent même eux. elle imagine ce qui aurait bien pu se passer. tente de se relever pour regarder les traces d’une violence inexpliquée. pour elle. pourquoi elle? t’en vaut même pas la peine. des blessures superficielles et profondes, semblables aux siennes. theo a les mêmes bobos que rhea! toutes visibles. celles de rhea ne le sont pas. — pourquoi t’as fait ça? pourquoi t’as été le voir? pour moi? pour nous? ils n’existent plus, aucun des deux. la peau se retire dès le premier toucher. réflexe de protection d’un corps traumatisé. elle se calme. ce n’est que lui. que lui pour sécher ses larmes. elle ressent sa colère qui vient bousculer sa peur. — il..mais il va porter plainte. il va porter plainte et on va faire quoi après? on va faire quoi, tu vas avoir des problèmes, il y aura la police, tout va se savoir! le regard gorgé de panique. l’angoisse fait trembler ses iris. ils s’accrochent aux siens. dernier espoir de ce qui semble vain. il a toujours été son pilier.

surprise quand vient le réflexe. pas de recul qu’il n’avait su anticiper. elle se protège. elle érige entre eux une barrière. à cause de quoi? de qui? est-ce moi qui te fais fuir rhea? il sait, pourtant, la véritable raison. ne peut se résoudre à ne pas s’accuser. ne pas se mettre la faute sur cette distance imposée. lui qui l’a initié, à créer la brèche. parce qu’il croyait que c’était ce qu’il fallait faire, que c’était le mieux pour ne plus être brisé. mais c’est d’elle dont t’as besoin pour exister. s’impose encore, revient à la charge. — c’est moi rhea, c’est juste moi. murmuré, soufflé du bout des lèvres. alors que les doigts touchent encore, caressent pour apaiser la tourmente. que leur naufrage ne soit plus qu’un instant d’égarement. même si les mots claquent, le giflent. n’est pas heureuse, rhea. n’en est pas fière. il s’approche encore, la reprend dans ses bras. le vois-tu comme je suis fatigué, rhea? — il ne fera rien, s’il fait, c’est lui qui a le plus à perdre. j’en peux plus. la serre plus fort, sans se soucier du froid de ses vêtements, des siens qu’il mouille. il a besoin de cette proximité, de cette chaleur qu’elle fait émaner. — j’en peux plus de savoir qu’il te touche, qu’il te fait mal. j’en peux plus de savoir qu’il est entre nous d’eux, qu’il prend toute la place. qu’une envolée, en écho dans l’immensité de leur douleur.

il y a rien. elle ne sent rien. elle n'arrive pas à ressentir. elle force l'entrée de son propre corps (elle tente de réveiller son coeur). elle veut. elle veut sentir ses touchers. vibrer sous ses caresses. solliciter un baiser. chasser la détresse. respirer sa présence. prendre conscience. la carcasse se barricade. comme si chaque approche était une menace. dereck y a laissé sa trace. — je sais que c'est toi, bae. elle sait, pourtant. l'esprit réagit, mais le corps ne répond pas. je t'avais dit qu'ils étaient tous pareils, t'as déjà oublié? le soir où il t'a baisée puis t'as laissée? elle rassemble ses dernières forces pour rejeter le démon. c'est impossible, il a toujours été là. mais elle persiste, le force vers la sortie. pour qu'elle, elle puisse revenir. pour elle, pour lui. pour eux. pourquoi tu lui dis pas que la rhea qu'il connaît est morte? les larmes repartent de plus belle. les mots s'abattent sur le corps frêle. trop forts. presque inespérés. elle ne ressent toujours rien. — moi aussi...j'en peux plus. comme un dernier souffle. ils sont exténués. si seulement il le savait, qu'à chaque reprise elle se faisait cambrioler. l'entièreté de son être. à chaque fois. même quand il y a plus rien à prendre. l'agresseur a fait d'elle sa maison. elle lève le regard, percute le sien. elle puise dans ses dernières ressources. un appel à l'aide. — j'ai peur. peur qu'il revienne. peur du viol de l'intrusion prochaine. peur des conséquences. peur de ce qui risque de leur lui arriver. peur de perdre le seul bien qui lui reste. theo.

baisser les bras, à bout de force. exténué. les armes ne sont plus dangereuses. plus rien pour avancer, combattre. la bataille, elle est perdue. il a échoué. n’a pas su la protéger, n’a pas su être présent. si tu n’étais pas parti, theo, ce serait peut-être comme avant. fragilité entre ses bras qu’il sent d’autant plus brisé que lui. des parts de son être qu’il voit sur le sol. n’a pas les moyens de la rafistoler, d’être assez doux pour panser ses blessures cachées. il ne sait plus être l’ami d’autrefois, ne sait plus être son armure, sa forteresse. parce que vos âmes se meurent sous la détresse — viens… la tire, l’amène avec lui. qu’elle se pose sur le canapé, à prendre place à ses côtés. les doigts qui retrouvent la douceur de sa peau. ses traits qu’il trace, en retire les larmes qui y coulent encore. tente de la rassurer, tente d’effacer les peurs qu’elle vient d’énoncer. même s’il en est la cause, même s’il fait partie de sa tourmente. il essaie un retour en arrière. il oublie ses propres blessures pour guérir les siennes. car elles ne seront qu’éphémère, des taches d’encre sur son derme. alors que celles d’rhea, elles se sont incrustées dans sa chair. le vois-tu qu’elle n’est plus la même? — peur de quoi? de lui? qu’il revienne? murmure, même s’ils sont seuls. comme si eux-mêmes ne voulaient pas entendre, ne voulaient pas vivre ce moment. cherche son regard de la clarté de ses opales. veut y plonger.

comme une machine, elle suit. une marionette désarticulée. les membres bougent sans qu’elle puisse en décider. rhea ne décide plus de rien. sous emprise, entre ses mains. elle se livrerait à n’importe qui. au premier venu (elle n’a plus rien à perdre, elle a déjà tout perdu). qu’en est-il de celui qui est revenu? trop tard. le regard dans le sien. fallait être là avant. brouillé par les larmes qui ne veulent pas partir (elle rend les armes, elle peut pas s’en sortir). fallait rester. d’un élan ultime, tel un réflexe. la paume se dépose sur sa main. y cherche une once de chaleur pour allumer le coeur éteint. leurs coeurs éteints. vides. ils s’aiment dans le vide. il était celui qui guérissait toutes ses peines. sans aucun effort, qu’en étant lui-même. plus rien ne fait effet. on ne peut pas faire revenir les morts. — oui… la voix se brise. j’ai peur de te perdre. myocarde en miettes. je t’ai déjà perdu. je me suis déjà perdue. les azurs s’accrochent, ne perdent pas espoir.

culpabilité étouffante quand viennent les mots. d’une sentence qui tombe, résonne en écho. se percute au crâne, tapage en l’esprit. je t’ai déjà perdu matraque, fissure au myocarde. mais les opales ne flanchent pas, demeurent ancrées aux siennes. de cette peur que cela confirme, qu’elle y croit qu’il ne reste plus rien d’eux. il la caresse encore, doucement. qu’un frôlement qu’il ressent à peine contre sa peau. il veut seulement qu’elle le ressente. qu’elle sache qu’il est encore là. même si plus rien ne vous rattache. — tu ne m’as pas perdu rhea, je… j’ai été con. j’avais trop mal. se coupe, fauche l’envolée. les paroles qui se cognent à des lèvres scellées. crainte que la vérité blesse, que le dire à nouveau l’effraie. — j’avais mal que tu ne m’aimes pas. décibels disparaissent, s’effritent au fil des du discours. alors que les mains tombent, quittent ses joues. seulement à cet instant que les opales divaguent, s’éloignent d’elle. à revoir les messages qu’ils ont échangé. l’amour en toutes lettres qu’elle lui a révélé. la crois-tu vraiment? alors que les secrets et les mensonges perdurent. l’envie d’y croire, l’envie de le ressentir venant d’elle aussi.

que les sanglots qui se perdent dans les recoins de la pièce. qu'un triste silence pour révéler l'évidence. le manque. le vide cruel laissé par le temps. par les évènements qui leur filent entre les doigts. la vie ne leur a laissé aucune chance. comme si elle avait enterré leur enfance. elle ferme les yeux. attrape les souvenirs en plein vol (avant qu'eux aussi ne s'écrasent au sol). leurs mains liées. j'vais jamais te lâcher. les rires aux éclats. je t'abandonnerai jamais, rhea. tout semblait si beau. moi non plus, theo. trop beau. jamais. ce sont des larmes de joie aux allures de tristesse. ce sont des larmes de chagrin aux nuances de détresse. elle pleure la souffrance qui n'a jamais pu couler. la douleur retenue pour ne rien montrer. elle pleure le soulagement de le retrouver. à compter les minutes avant qu'ils soient de nouveau séparés. un rêve éveillé; un cauchemar endormi. le temps d'une soirée. les vagues retrouvent leur accalmie. un sourire ampli de nostalgie. si léger qu'on peut à peine le déceler. — la règle du jeu, c'est de trouver les mots qui vont ensemble. sans mentir. comme si elle savait, elle sentait. qu'il fallait le rassurer. qu'il fallait panser le mal. braver sa propre peine pour soigner la sienne. comme lui, avec elle. des années entières passées pour l'autre. parce qu'on voyait jamais l'un sans l'autre. les lèvres tremblent. l'envie furtive de capturer les siennes. pour lui montrer, pour lui prouver. les songes percutés par la réalité. — pourquoi tu regardes ailleurs? est-ce que je te fais peur? tu le dégoutes. le sourire s'efface. il ment, pourquoi tu doutes? l'angoisse la frappe. elle recule.

sans mentir mais les mensonges se sont immiscés entre eux sans qu’ils ne s’en rendent compte. personnifiés en l’être de perdition, le malin. l’ombre collée à ses pores depuis des mois. ne peut s’empêcher de le voir lui quand il la regarde elle. de revoir les images de cette nuit où l’insouciance d’une vie paisible s’était étiolée. cette vie d’avant redevenue poussière, celle qui s’encrasse dans le sol pour ne plus renaître. même si je te crois, rhea, tu ne me reviens pas. tête tourne, bifurque vers elle. la détaille en silence. esquisse ses traits de son regard. à en dessiner chaque détail. à l’éclat de ses iris, noyées sous les émotions qui l’étranglent. aux constellations de rousseur à ses joues, maquillent la fatigue qui l’accable. et ses lèvres. rosées tremblantes, dont les paroles sont toujours en suspens. la réponse tarde, s’embrouille à sa tête. elle n'est que beauté parfaite bafouée par les malheurs.— j’ai peur de voir que tu ne le ressens pas. que tu crois le ressentir mais que tu sois juste perdue. ce qui serait normal avec tout ce qu’il se passe. j’ai peur que ce soit lui qui parle pour toi, rhea. opales lui reviennent, remontent à ses yeux à elle. en capturent l’essence, les scannent. — j’aurais préféré ne ressentir que de l’amitié pour toi, que ça reste simple. mais j’y arrive plus. palpitant s’affole, se rythme à son souffle qui délire. — j’veux être là pour toi, rhea. et qu’on l’oublie à deux.

elle aurait aimé être une super héroïne. elle aurait aimé recueillir les malheurs des gens pour les faire disparaître. en un claquement de doigts. personne ne déteste les super héros. ils ne déçoivent pas. ils sont aimés par défaut. admirés pour ce qu'ils font. rhea, t'es tout sauf ça. t'as sauvé personne. même pas capable de te sauver toi-même. le silence pèse. chaque minute qui passe ne fait qu'allonger l'angoisse. elle remarque son regard se perdre sur son visage. elle pourrait se perdre dans le sien. un océan de sérénité. là où se noient tous ses problèmes. si seulement. elle écoute chaque parole avec attention. tente de contrôler ses pulsions. les opales y nagent encore, ne changent pas de direction. embrasse-le, tu verras. ça va se finir comme la dernière fois. j'ai envie de t'embrasser. ses propres mots emprisonnés. le silence règne encore. — que tu sois là...c'est suffisant. mais jusque quand? le corps se rapprochent de nouveau. les doigts s'entrelacent. elle serre du plus fort qu'elle peut. la peur qu'il s'en aille. mais t'es qui pour l'en empêcher? — c'ma faute si tout devient compliqué. c'est toujours comme ça. peut-être bien que j'suis perdue, que je l'ai toujours été. c'est ça, abandonne. c'est tout c'que tu sais faire. tu l'aimes pas. rhea ne sait plus se battre. rhea ne milite plus. elle a perdu sa pancarte. a étouffé sa grande gueule. force d'esprit rangée au placard. elle ne sait plus s'en sortir seule. tu vas mourir seule. — mais alors ça veut dire que j'suis perdue dans le mal-être que j'ressens quand t'es pas là. j'suis perdue dans le déchirement à l'idée de te perdre. j'suis perdue dans l'envie incessante de te garder près de moi, au plus près, et de pas te partager. j'suis perdue dans tous les signes que mon corps m'envoie, que je contrôle pas et qui veulent pas s'arrêter. les larmes attendent encore sur le bord des paupières. il n'y aura pas de retour en arrière.

c'est pas parce que je suis perdue que je t'aime

regards se confrontent, s’affrontent pour la première fois depuis des mois. il s’y perd, y plonge. se laisse submerger par les émotions qui y miroitent. cette envie perceptible de la prendre dans ses bras, la consoler. faire taire cette part d’ombre qui semble s’implanter. s’accrocher à elle. rhea n’est plus l’amie d’enfance, n’est plus la gamine aux grands airs. elle n’est plus cette petite fille qui venait cogner à sa porte, le sourire en merveille. le bonheur criant qui chassait ses peines. les années qui rattrapent, les malheurs qui étranglent. aux sentiments en artifice, les histoires aux nuit des vices. ils se sont éloigner se pensant liés malgré les pluies et les tempêtes. mais le lien est fragile. s’effrite. tente de tenir le coup. ce soir, ils sont face à face, à essayer de panser les blessures, rattacher la corde qui s'est brisée sous l'usure. mais theo, elle n’a pas dit t’aimer. — quels signes? qu’est-ce qu’il te dit, ton corps? et ton coeur, qu’est-ce qu’il raconte? les doigts s’enlacent, se serrent. le pouce se confond en douces caresses contre sa main. soupir sonne pourtant en écho alors que l’esprit se joue en boucle les paroles qu’elle vient de prononcer. — mais tu ne peux pas m’avoir comme ça, rhea. j’demande que ça, de te le donner, d’être avec toi. d’être à tes côtés, à n’plus se partager. mais je peux pas. pas tant qu’il est encore là. pas tant qu’il rôde autour de toi et qu’il peut te faire du mal. ce soir… se coupe, s’arrête. respire sous son souffle qu’il perd. l’adrénaline s’étiole, la douleur se fait maintenant ressentir. ce soir, c’était juste un avant goût de ce que j’ai envie de lui faire. je ne veux plus qu’il t’approche, rhea.

les chaines du traumatisme se resserrent sur la carcasse devenue trop frêle pour exister. rhea pelligrini n'est devenue qu'une cabane en papier. s'écroule au moindre souffle, au moindre toucher. que ce soit de celui pour qui elle tait ses sentiments; ou celui pour qui la peur n'est qu'ultime châtiment. plus aucune différence. rhea souffre en silence. les plaies se creusent et saignent. mais elle n'est plus seule pour panser sa peine. profite, tant qu'il est encore temps. avant qu'il ne revienne la hanter. qu'il ne revienne la toucher. sans rien lui demander. profite qu'il fasse semblant. semblant de t'aimer. semblant de s'en soucier. semblant que les malheurs n'ont jamais existé. profite, rhea. ce sera sûrement la dernière fois. — j'ai envie de t'embrasser... trop franche. fragment d'elle qui revient d'entre les morts. murmure qui se glisse entre les sinuosités de ses songes. le regard s'est ancré (ne veut plus le quitter). mais le regret la gifle au visage. paralyse le corps déjà incapable de bouger. les mauvais souvenirs qui refont surface. y'a toujours la peur dans les parages (y'a toujours ses erreurs qui font rage). — putain. t'es pas capable de te tenir, hein? mais c'est c'que dit mon corps. c'est c'que dit mon coeur. et les opales s'échouent sur leurs mains liées. noyaux des souvenirs qui ne les ont jamais quittés. les paumes se connaissent par coeur. se rejoignent dans le bonheur et les malheurs. ont traversé les années, ont bravé le temps. elles se perdent et se retrouvent au détour de leurs chemins. comme si rien n'avait changé. tout a changé. — fais rien. s'te plaît bae, fais rien. c'pour ça que je voulais rien dire. l'angoisse reprend la cadence. elle s'attarde sur les caresses pour se calmer. fais rien. parce que s'il t'arrive quelque chose, je me pardonnerais jamais.