dahlia

elle court.

la tempête rase tout sur son passage. déferle sur la terre un vent de rage. elle court plus vite que le temps. elle court contre le vent. la faiblesse dort au cœur de ses émotions. rose laissée à l’abandon. ça aurait été plus simple si elle était seule. ne penser qu’à sa propre gueule. pas de sentiment. pas de clan. qu’elle. mais le vent est qu’opportuniste. le vent n’est pas égoïste. infatigable. inarrêtable. elle continue sur sa lancée pour espérer prouver sa valeur. elle en est capable. ils ont juste peur. peur du feu qui sommeille en elle. capable de braver l’ouragan. ils ont peur de la flamme qui rugit au creux du palpitant. ils la connaissent mieux qu’elle. la prunelle de leurs yeux. ils lui ont enlevé un fragment de liberté (ils tentent de préserver sa part d’humanité). elle est identique à la rose des vents. à dahlia el masry.


elle a toujours aimé détroit. pas pour le temps, il y faisait trop froid. elle aimait ce goût d’ailleurs. la liberté. elle l’aura savourée jusqu’à sa dernière heure. jusqu’à sa dernière pensée. à la famille. c’était plus qu’un clan. c’était sa vie. zohra se tient devant la stèle. étoile symbolique gravée dans la pierre. les valeurs ancrées dans le marbre pour l’accompagner dans la mort. et même éteinte, mama brille encore. la prière file entre les lèvres. légère comme la brise. les yeux se ferment pour voir s’ouvrir son sourire. trois poignées de terre jetées sur la tombe, comme le veut la tradition. elle s’assied, la paume caresse le bord. elle donne la main à sa mère qui dort.

le vent ne souffle plus.

bonjour, mama.
ça fait longtemps.
ces dernières semaines, j’ai pas vraiment eu le temps.
rien a changé depuis la dernière fois.
je me suis juste disputée avec baba.
j’aurais aimé que tu sois là.
tu lui aurais dit de me faire confiance.
tu lui aurais dit de me laisser une chance.
je suis meilleure qu’eux.
pourtant, je suis encore qu’une gamine à leurs yeux.
parfois, je t’en veux.
je comprends pas comment t’as pu partir si facilement.
t’étais insaisissable. comme le vent.
mais comme le vent, t’es partie en un instant.
baba et darius disent que je suis comme toi.
ça sonne comme un reproche, parfois.
mais te ressembler reste ma plus grande fierté.
je m’en fous de ce qu’ils peuvent penser.
un jour, ils verront. tous, verront.
l’ampleur de ma rébellion.
…mais j’enchaine les échecs.
je supporte pas cette défaite.
je veux juste être libre. qu’est-ce qui m’en empêche?