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les tremblements de verre



romy ferry
arrivé le : 05/07/2022
messages : 383
credits : languenoire
romy ferry
rhum-y coca pour jessicax
turn on



les tremblements de verre

dans mon immeuble, y'a des cœurs qui battent, y'a des cœurs qui se battent. il y a des cœurs qui se débattent. y'a des portes qui claquent et des claques qui portent. jusqu'à mon étage, à mon époque

(( soundtrack ))




chapitre onze
dix-huit heures. l’heure habituelle à laquelle la fille passe la porte de l’immeuble délabré. les échos se font déjà entendre en bas des escaliers, plongeant le bâtiment entier dans un brouhaha presque étouffant. le corps ne frémit pas, car elle sait qu’ils viennent du deuxième étage. les marchent défilent sous ses pas, la tête déjà baissée par l’habitude. la clef dans la serrure fait grincer la porte d’entrée. même le bruit strident ne pouvait dissimuler les insultes répétées. le regard ne se détache pas du parquet, s’arrête sur les débris de verre échoués sur le bois peint par les nuances de vin. elle tente de se frayer un chemin parmi les sinuosités du vacarme. regarde à peine les deux silhouettes agitées (elles-mêmes ne l’ont pas remarquée). se faufile dans la cuisine pour ne découvrir qu’un frigo vide. elle ne se contentera que d’un verre d’eau et d’une autre soirée à compter les heures.

car ce n’était que l'énième épisode d'une tragédie sans fin.

les écouteurs dans les oreilles, musique englobe les songes. tente en vain d’engloutir la réalité par la même occasion. la fille se blottit contre la fenêtre de sa chambre, unique échappatoire aux tourments quotidiens. le front contre la vitre, comme pour tenter de la traverser, s’évader d’une prison qu’elle s’était elle-même créée. et c’est ainsi qu’elle laisse les minutes passer. ne ressent même pas l’envie de remplir son carnet. que le téléphone en haut-parleur, laissé sur le rebord (parce qu’au fond, elle savait qu’il n’y aurait pas de réponse). la messagerie vocale comme seule compagnie, et un soupir en reflet à un espoir déchu.

hey. ça se dispute encore, aujourd’hui. c’est la deuxième fois cette semaine. j’écoute même plus ce qui se dit. enfin, comme d’habitude, en fait. comment tu vas? t’as arrêté de répondre à mes messages. j’aurais aimé que tu me répondes pour au moins faire passer le temps en ce moment (rire faux). en plus, le frigo est vide. il y avait encore des trucs hier, je savais pas que son mec bouffait autant. (silence) je raconte ma vie, mais est-ce que t'écoutes mes messages, au juste? bon, tant pis. de toute façon, je vais devoir y aller. j’ai entendu la porte claquer. réponds, quand t’as un moment. bisous.

raccroche à contre-coeur. si elle pouvait, elle parlerait pendant des heures. car même sans être présent, le frère restait son point d’ancrage. celui à qui s’accrocher quand les murs tremblaient ou quand le silence devenait trop lourd à porter. le courant d’air était le signe d’accalmie. tellement attendu qu’il transcendait le volume mis à fond. le corps conditionné à répondre à la minute, ouvre la porte sur une scène de guerre qui ne connaîtrait jamais la paix. — maman? le mode opératoire enclenché. exécuté avec automatisme, le visage dénué d’émotions. aucune inquiétude tant que la carcasse respirait encore. blessures qu’il fallait soigner; saletés qu’il fallait nettoyer. souvenirs qu’il fallait effacer. ça ne durait qu’une heure. la fille avait appris à aller de plus en plus vite avec les années. les dix commandements mémorisés à force de les répéter.

  1. emmener la mère dans la salle de bain
  2. la laver entièrement de son chagrin
  3. soigner les plaies superficielles
  4. l’écouter insulter le frère hurler ses peines
  5. ramasser les déchets à terre
  6. en premier les débris de verre
  7. nettoyer les taches de sang couleurs
  8. ranger les meubles et objets de valeur
  9. chercher la mère pour la coucher sur le canapé
  10. dans la mesure du possible, se faire à manger

il n’en était qu’un parmi d’autres. un homme, un courant d’air, une victime de ces tremblements de verre. prison toxique dont personne ne sort indemne. où suinte la déchéance entre les fissures de ces murs de papier. et derrière cet amas de noirceur se cachait une once d’amour. celle qui fait encore tenir les fondations de ce foyer pourtant déjà détruit. — moi je t’aime, maman. serre contre elle la coquille vide d’une mère qu’elle n’a jamais connue. n’en connaît que le visage mais pas la figure. un semblant de famille; l’ombre des ferry. — et niels t'aime aussi.


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